Thursday, November 23, 2006

A propos du fascisme et du christianisme


Thomas Stahler, dont j’avais évoqué un article sur le satanisme dans Le Livre Arverne n° 04, a une réputation sulfureuse qui le rend fort sympathique. Nous ne partageons ni ses convictions philosophiques et religieuses, ni ses opinions politiques, ni ses analyses historiques, mais il est détesté par tellement de personnes méprisables que, somme toutes, il est plaisant de deviser avec lui en honnêtes hommes. Il m’a fait parvenir un long papier de 17 pages, intitulé Fascisme, Fascismes, National-Socialisme. Nous reviendrons plus en détail sur ses théories dans Le Génocide allemand, notre prochain livre, mais pour le moment, voyons sommairement les points d’accords et de désaccords sur la question avec ce confrère qui, bien que païen, bien que socialiste, bien qu’exterminationiste, a fait preuve d’esprit de libre-recherche et d’ouverture à l’autre, loin de l’intégrisme prétendument « humanitaire ». Dans sa définition du fascisme, il déclare : « Le fascisme est une idéologie de troisième voie, se présentant à la fois comme antimarxiste et comme anticapitaliste ». Nous sommes tout à fait d’accord. Sur l’appartenance de Staline aux « Chemises Noires », rien ne prouve qu’il n’y fut pas allé en mission d’infiltration pour l’Okhrana. De même, dans sa liste internationale des mouvements fascisants, je suis surpris de l’absence des fascistes israéliens que furent le Betar de l’époque hitlérienne… De même, sur le côté européen du fascisme défendu par Stahler, je tiens à rappeler que ce courent, qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, était relativement minoritaire et s’est forgé dans le fer et le sang de la Waffen SS.

Par contre, je suis totalement opposé au fait que le fascisme soit païen. Certes, il existait bien une faction païenne au sein de la NSDAP, mais qui suscitait au mieux l’indifférence, au pire le mépris, notamment devant le peu d’envergure de son principal contempteur, le très douteux Heinrich Himmler, probablement le moins capable des dignitaires nazis, l’exact pendant hitlérien d’un Beria (la meilleure chose qui aurait pu arriver aurait été la disgrâce de Himmler et son remplacement par un Heydrich – compétant et psychologue - ou un Kaltenbrunner, dont les convictions catholiques lui donnaient une certaine moralité totalement absente chez Himmler). Nous avons été plusieurs, Vincent Reynouard, Jérôme Bourbon, Pierre Maximin et moi-même, à défendre parfois contre nos propres amis, la compatibilité entre le doctrine catholique et les divers régimes fascistes. Il suffit d’ailleurs de consulter comme je l’ai fait les Cahiers doctrinaux de la SS pour y remarquer que si le message païen se résume à quelques allusions folkloriques, le message déiste y est omniprésent. Les SS se réclament de Giordano Bruno, dominicain réhabilité par l’Eglise dont ils font leur cette phrase citée dans le cahier de la SS d’août 1938 : «Nous cherchons Dieu dans la loi inaltérable et inflexible de la nature, dans l’harmonie respectueuse d’une âme se soumettant à cette loi. Nous Le cherchons dans un rayon de Soleil, dans la beauté des choses issues du sein de notre mère la terre, dans le reflet de Sa création, dans la contemplation des innombrables étoiles scintillant dans le ciel immense… » Et l’auteur de l’article, le docteur Schinke, SS-Hauptscharführer (adjudant-chef), de rajouter : « Respecter [les lois naturelles] c’était affirmer Dieu. Les transgresser, c’était s’éloigner du divin. » « Nous n’honorons Dieu qu’en respectant les lois éternelles qui, émanant de Sa volonté, régissent le monde. ». Ils ne croient pas au péché originel, ce qui est une hérésie, certes, mais qui est à cent lieues des enseignements blasphématoires qui avaient cours au sein du NKVD, l’équivalent soviétique de la SS. Dans La Maison de la troupe SS paru en avril 1939, un article intitulé Notre Vie et écrit par Kurt Ellersieck parle ainsi : « Pour cette raison, nous ne voulons pas passer notre vie, que la Providence nous a donnée, dans la damnation, la contempler comme un bourbier du vice duquel personne ne s’échappe ; car notre vie n’est pas un péché puisqu’elle nous vient de Dieu, et notre combat n’est pas une damnation puisqu’il est une prière héroïque. Nous laissons les lâches et les misérables ramper à genoux, les pusillanimes gémir de désespoir ; car Dieu est avec nous parce que Dieu est avec les croyants. » Cette conception est reprise dans les cours de formation des SS européens à Sennheim : « On ne peut brider très longtemps les lois de l’espèce et de la vie voulues par Dieu. »Si les communistes ne croyaient pas à l’âme et au sacré, les nazis, eux, n’hésitaient pas à s’y référer. Dans le cahier de la SS de juin 1942, un article intitulé Corps et âme déclarait : « Nous savons que la noblesse et la pureté de notre corps constituent aussi celle de notre âme et inversement »…

Selon Franz von Papen, ministre du Reich puis ambassadeur à Ankara (qui sera gracié lors de procès de Nuremberg) : « Le IIIe Reich était la réponse chrétienne à 1789. » Cette vision des choses est partagée par l’historien américain John Lukacs : « L’élément le plus important – et le plus frappant – de la politique hitlérienne était son anticommunisme ; mais il y avait en outre des présentations plus qu’occasionnelles de lui-même et du national-socialisme comme étant contre-révolutionnaires, et même bien des déclarations positivement favorables au christianisme. » C’est à Dieu qu’Hitler se réfère dans Mein Kampf, pas à Thor ou à Odin ! Il y faisait l’éloge de Karl Lueger, du parti populaire chrétien « qui savait comment faire usage des structures du pouvoir et de l’autorité, se servant de ces institutions et éléments anciens au profit de son propre mouvement. » ; il y disait « C’est pourquoi je crois agir dans le sens voulu par le Créateur tout puissant ; en luttant contre le Juif, je défends l’œuvre du Seigneur ». Même Rosenberg y fait son apport personnel ! Le NSDAP était un parti d’union nationale, avec toutes les tendances politiques, philosophiques, culturelles représentées. On y trouvait des catholiques et des païens, des athées et des protestants, des sionistes et des pro-musulmans, des aryens et des vierteljuden, des partisans de l’alliance avec les slaves et des adversaires de celles-ci, des réactionnaires et des nationaux-bolcheviques… Stahler et moi, tout en se revendiquant plus ou moins du fascisme, en avons des conceptions diamétralement opposées. Pardoxalement, il trouverait plus de terrain d’entente avec un maurrassien comme François-Marie Algould qu’avec moi.

Lors de sa prise de fonction le 1er février 1933, Hitler déclara sur la radio allemande que le gouvernement « prendra sous sa ferme protection le christianisme, qui est la base de toute notre morale, et la famille, qui est la cellule constitutive tant de l’être de notre peuple que de l’Etat. » Le 23 mars 1933 dans son premier discours de Chancelier, il ajouta : « Les avantages qu’un particulier pourrait retirer en politique de compromis avec les organisations athéistes ne sont pas, et de loin, compensés par la destruction qui en résulte des fondements de la morale publique. Le gouvernement national voit dans les deux confessions chrétiennes les facteurs les plus importants pour le maintien de notre peuple. Il respectera les traités conclus entre elles et les différents Ländern. Il ne sera pas touché à leurs droits. » Lors de la Fête-Dieu 1933, eut lieu à Berlin la première procession de cette fête catholique de toute l’histoire de la Prusse. Hitler y imposa la présence d’un régiment de la Wehrmacht. Le pèlerinage d’Annaberg, en Silésie, attira 120.000 personnes dans cette province catholique où la purification ethnique polonaise n’épargna pas, loin s’en faut, le clergé… Hitler avait promis le 27 juin 1934 à Mgr Gröber (Fribourg), Mgr Berning (Osnabrück) et Mgr Bares (Berlin) : « Jamais de ma vie je ne mènerai un Kulturkampf ». En 1937, il entendit que beaucoup de ses adhérents avaient renoncé à leur appartenance religieuse, sous la pression des dirigeants du parti ou de la SS. Il interdit à ses proches collaborateurs, y compris Goering et Goebbels, de faire de même. En 1942, il insistait sur l’absolue nécessité de maintenir les Eglises. Il condamnait avec rigueur la lutte contre les Eglises. Pour lui, il s’agissait d’un crime contre l’avenir du peuple : substituer une idéologie de parti est une impossibilité. Le 4 janvier 1936, Hitler recevait le cardinal Michael von Faulhaber (qui fut le plus ferme soutien à Hitler après l’attentat du 20 juillet 1944). Le Führer lui dit : « Les hommes ne peuvent rien faire sans croire en Dieu. Le soldat, après trois ou quatre jours sous la mitraille, doit se raccrocher à la religion. L’absence de Dieu, c’est le néant. » Le cardinal lui répondit : « Les splendides professions de foi que vous avez faites en diverses occasions, et précisément celle de votre discours de clôture lors de la journée du Parti, à Nuremberg et au Bückerberg, n’ont certainement pas manqué de faire impression dans le monde… C’est en vain que l’on en chercherait de pareilles de la bouche d’un Léon Blum, par exemple, dans sa lamentable réponse au discours de Nuremberg ; mais on n’en trouverait pas davantage chez les autres hommes d’Etat… » L’épiscopat allemand, si il fit les critiques qui s’imposaient lorsque le régime déviait de la loi divine, n’a pas ménagé son soutien au régime démocratiquement élu. Le 1er janvier 1938, le cardinal Faulhaber louait en chaire « l’exemple donné par Hitler d’un style de vie simple et frugal. » Le 18 mars 1938, le cardinal Theodor Innitzer envoyait une déclaration de ralliement de l’épiscopat autrichien au Reich. En 1945, le cardinal Bertram, prince-évêque de Breslau, célèbre une messe à la mémoire de Hitler et juge sa mort « courageuse ». Hitler savait écouter les conseils de l’Eglise catholique et faire marche arrière quand celle-ci lui reprochait d’être allé trop loin. En août 1941, Mgr von Galen reprocha la politique d’euthanasie de Hitler en vigueur depuis le 3 septembre 1939, tout en louant la croisade antibolchévique. Aucune sanction ne sera prise. Mieux la loi sera abolie suite aux pressions catholiques. Par contre, aux Etats-Unis, une loi similaire a été votée dans l’Ohio en 1907 et est toujours en vigueur. Elle l’est dans une trentaine d’Etats de l’Union.

Il ne faut pas croire que les païens antichrétiens étaient tout puissant dans le Reich : un mouvement intégriste païen, le Mouvement allemand de la Foi (sic !) fut créé le 30 juillet 1933 par le pasteur défroqué Jakob Wilhelm Hauser. Antichrétien, antisémite et anti-maçon, ce mouvement a été interdit par Heydrich en avril 1936. Même Göring reconnut le rôle nécessaire de la religion dans son discours du 28 mars 1938 : « Nous voulons procéder à une séparation bien nette. L’Eglise a des tâches précises, importantes et extrêmement utiles ; l’Etat et le Mouvement en ont d’autres, tout aussi importantes et décisives pour la Nation ». Le sujet est loin d’être clos, nous y reviendrons dans le livre mentionné plus haut. Voilà ma position sur la question fasciste. On peut parfaitement se dire fasciste et ne pas y souscrire. Le fascisme est pluriel et je suis ouvert à la discussion…