Wednesday, August 30, 2006

A propos de la messe de Lille (29/08/1976)

(Légende : où se trouve cette église à la foule semblable à 1000 autres chapelles tradilandaises ? Aquitaine ? Bavière ? Wisconsin ? Valais ? L'architectre du bâtiment donne la réponse : Nouvelle-Zélande...)
Lille, 29 août 1976. L’un des étés les plus chauds du siècle touche à sa fin. Chaud sur le plan climatique : frappée par la canicule, la France étouffe. Il n’a pas plu depuis près de trois mois. Chaud sur le plan sportif : après avoir écrasé le championnat, l’AS Saint-Etienne est tombée avec les honneurs en finale de la Coupe des Clubs Champions contre le Bayern de Munich voir Le Libre Arverne n°187). Chaud sur le plan politique : le Premier Ministre, un jeune loup ambitieux du nom de Jacques Chirac, trahit le Président Valéry Giscard d’Estaing après avoir trahi Chaban-Delmas deux ans plus tôt. Il est remplacé à Matignon par sa rondissime suffisance Raymond Barre, promu le Joffre d’une économie dont il sera le Gamelin… Sur le plan religieux, les esprits sont également échauffés. Le mois d’août fut une véritable démonstration de force du catholicisme de tradition. Plus d’un millier de catholiques de traditions assisteront à la messe du 15 août à Lanvallay (Côtes-du-Nord), 500 à Lametz (Ardennes) où l’abbé Mouroux prononcera ces mots qui résumeront tout le combat pour la Vraie Messe : « Nous sommes entrés maintenant dans une lutte titanesque entre l’Eglise catholique et l’Eglise conciliaire »… Deux mois plus tôt, le 29 juin, Monseigneur Lefebvre avait ordonné 15 prêtres, ce qui lui valut une suspense a divinis. Conclusion logique d’une longue persécution initiée le 13 février 1975. Suite à une inspection à Ecône le 13 novembre 1974 agissant sans mission officielle, Mgr Lefebvre fut convoqué dans une sorte de tribunal maoïste présidé par le Cardinal Garrone qui le compara à Athanase et le traita de fou, comme l’était au même moment Plioutch en URSS… Le 9 mai 1975, l’Evêque de Fribourg, Mgr Mamie, avait voulu de par son bon vouloir supprimer la Fraternité Saint-Pie X créée avec la bénédiction de son prédécesseur Mgr Charrière le 1er novembre 1970, décision frappée au bas mot de dix cas de nullité. La tension montait crescendo, entretenue par les médiats. Quelques temps auparavant, l’un des pionniers de la Tradition, Paul Scortesco, dissident roumain, avait été retrouvé brûlé vif dans son lit, probablement assassiné par la Securitate.

En ce jour de la décollation de Saint Jean-Baptiste, Mgr Lefebvre célébra une messe dans les locaux de la Foire Commerciale de Lille devant 10.000 personnes venues non seulement de toute la France, mais aussi de toute l’Europe occidentale. Son sermon, applaudi par les fidèles, fustige la dérive de l’Eglise. Cependant, il révèle aussi l’homme d’exception qu’était le prélat. De sa voix douce que les habitués des retraites de Saint Ignace connaissent bien, il déclara : « Je ne veux point être le chef des traditionalistes, et je ne le suis point. Pourquoi ? Parce que je suis, moi aussi, un simple catholique, certes prêtre, certes évêque, mais qui suis dans les mêmes conditions dans lesquelles vous vous trouvez et qui ai les mêmes réactions devant la destruction de l’Eglise, devant la destruction de notre Foi, devant les ruines qui s’accumulent sous nos yeux ». Il évoqua le sénateur Prélot : « Nous (les libéraux) avons lutté pendant un siècle et demi pour faire prévaloir nos opinions à l’intérieur de l’Eglise, et nous n’y avons pas réussi. Enfin est venu Vatican II et nous avons triomphé. Désormais les thèses et les principes du catholicisme libéral sont définitivement et officiellement acceptés par la Sainte Eglise ». Ce fameux libéralisme condamné par le Syllabus du regretté pape Pie IX. Fort d’une conviction à déplacer les montagnes, l’ancien Archevêque continua : « ce qu’a fait la Révolution n’est rien à côté de ce qu’a fait le Concile Vatican II » « Cela a été le summum de la victoire du démon de détruire l’Eglise par obéissance ». La presse, y compris le très mondain Figaro s’en prend à Mgr Lefebvre. Le journaliste prétend lui donner une leçon de catéchisme. Il s’appelle Dominique Jamet. Il collabore maintenant à Marianne, hebdomadaire intégriste laïc.. C’est dans Le Figaro justement que le 4 août, Mgr Lefebvre déclara « Dans la mesure où le pape s’éloignerait de cette tradition (la tradition vivante de l’Eglise à laquelle le chrétien doit être uni dans l’espace et dans le temps), il deviendrait schismatique. Il romprait avec l’Eglise. Les théologiens comme Saint Bellarmin, Catejan, le cardinal Journet et bien d’autres ont étudié cette éventualité. Ce n’est donc pas une chose inconcevable ». Il déclara même : « L’hérésie, le schisme, l’excommunication ipso facto, l’invalidité de l’élection sont des causes qui éventuellement peuvent faire qu’un pape ne l’ait jamais été ou ne le soit plus ». L’épiscopat français, bouffi d’orgueil, gangrené par l’infiltration maçonnique depuis 1849 et communiste depuis 1935, toise avec mépris ces milliers de fidèles qui pointent du doigt sa trahison. « Seuls quelques intégristes gémissant encore sur le ralliement, constituent les maigres troupes de Mgr Lefebvre. Rome peut frapper », déclarèrent les Evêques au Cardinal Villot. Dans son livre, Monseigneur Lefebvre paru en 1977, Jean-Anne Chalet de l’AFP voyait dans les Traditionalistes un feu de paille qui sera vite éteint. Même analyse en 1988 chez Patrice de Plunkett qui assurait au Cardinal Ratzinger que 80 % des fidèles de la Tradition rallieraient la Fraternité Saint-Pierre.

Trente ans plus tard, quel est le bilan du geste courageux de Monseigneur Lefebvre ? Une génération est passée. Mgr Lefebvre, Mgr Ducaud-Bourget ont été rappelés à Dieu. Les personnes âgées qui en 1976 étaient censées constituer la majorité des fidèles de la Tradition ont quitté ce monde. Paul VI a rendu compte des ses actes devant le Tout-Puissant. Lui succéda Jean-Paul Ier, le Pape probablement assassiné car il aurait été celui de la réconciliation. Puis Jean-Paul II, le marrane infiltré qui, après 25 ans de Pontificat était devenu un Janus à deux visages, la Grâce sanctifiante faisant son œuvre. Désormais, la barque de Saint-Pierre est entre les mains de Benoît XVI, qui semble revenir des errances modernistes. Si la Tradition était telle que la dépeignaient ses ennemis, elle aurait disparu depuis longtemps, comme une flamme meurt lentement faute de combustible. Or, c’est plutôt l’église conciliaire qui s’écroule à vue d’œil. Au commencement, la Tradition était une petite flamme vacillante au sommet d’une bougie. Des hommes et des femmes prenant leur destin en main, cherchant dans toute la France des églises où pouvoir pratiquer leur foi, des écoles pour leurs enfants. Il n’y avait que des ruines : quelques vieux prêtres, deux seules écoles vraiment catholiques (Malvières pour les filles, La Péraudière pour les garçons). Alors ils bâtirent et financèrent, ne ménageant ni leur temps, ni leurs forces, ni leur argent. Des bonnes écoles, des séminaires, des chapelles, des prieurés… Ce fut la génération des années 77-88, la génération combattante. Mais il vient un moment dans toute « guerre éclair » où l’on doit s’occuper de l’arrière : recompléter les unités éprouvées, maintenir la cohésion entre l’avant-garde et l’arrière-garde et consolider les positions. On ne pouvait plus se contenter de corps de fermes, de hangars aménagés à la va-vite. Ce fut l’époque où les chapelles furent construites ou achetées, où la Tradition s’enrichit de quatre évêques, où le réseau d’écoles, de prieurés, de chapelles couvrirent la France entière. Les enfants de la génération précédente étaient devenus adultes. Le fossé s’est de plus en plus creusé avec le reste du pays. Privée de plus en plus de surface sociale, la Tradition a perdu de sa richesse financière. Mais elle a une autre richesse, qui supplante aisément la précédente : ses enfants. Les vieux « tradis » de 1975 en avaient un peu plus que le reste du pays : 3. Entre 1980 et 2005, l’indice de fécondité des femmes de la tradition passa de 4 enfants par femmes en moyenne à 7 (6,9 exactement). D’où dynamisme des écoles et des vocations. Moins de revenus et plus d’enfants, c’est la mort progressive de l’esprit bourgeois. Ce fut la génération des années 88-02, la génération fortifiante. 2002 marqua une nouvelle fracture entre la communauté traditionaliste et le reste du pays. Le terme de Tradiland naquit. Un peuple s’est constitué, véritable « communauté immigrée » dans ce qui fut jadis leur pays. L’explosion du Front National et l’aggiornamento de Marine Le Pen amena leur quasi-retrait de la sphère politique française le seul lien qui leur restait. Chassés ignominieusement de l’Eglise conciliaire, ils voient le Pape multiplier les offres, chaque fois plus élevées, pour un retour au bercail. Avec leur poids démographique grandissant et l’excellence de leur système, ils pourraient redresser le cap de la nef ecclésiale si Benoît XVI leur donne un statut similaire à l’Opus Dei c’est-à-dire extra-diocésain et nous permettant de garder intact notre patrimoine. Une fois ceci fait, le dernier obstacle à la création d’un pays par nous pour nous sera levé. C’est la génération post-02, la génération re-conquérante.

6 Comments:

Anonymous Anonymous said...

Coucou Enzo,

Merci pour ton com... qui réchauffe le coeur.... Quant à ton blog, je suis sur le C........ excuse l'expression.... Super intéressant, contrairement à ceux que d'autres doivent penser.... je te lis avec plaisir.... à bientôt....
BISES

chips

6:40 AM  
Anonymous Anonymous said...

Intéressant. Je suis preneur d'éléments sur les liens entre Amnesty, exécrable ONG, et le KGB pendant la guerre froide, liens que tu évoques en réaction à un post de Merengue.

12:11 PM  
Anonymous Anonymous said...

Bonjour Enzo,
Interessante découverte que ce blog. Qu'on soit en accord ou non avec vos opinions, les éléments sont sérieux et donnent matière à remise en cause ainsi que l'envie de creuser ces sujets pour se forger une opinion.
Il serait interessant que le débat s'installe avec ceux de vos adversaires qui ne se contentent pas d'injurier et préfèrent l'usage de leur cerveau à la régurgitation de phrases types orwelliennes.

Pierre

5:48 AM  
Anonymous Anonymous said...

Bonjour,
Sauriez-vous ce qu'est devenu le site-blog "L'autre côté de l'histoire" où vous interveniez souvent?
A-t-il été interdit?
A-t-il une autre adresse?
Merci de la réponse
Raoul

8:22 AM  
Blogger Enzo said...

Il a été interdit.

8:25 AM  
Anonymous Anonymous said...

très intéressant !

2:12 AM  

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